Akward moment - Jaelyn

Akward moment

Il fallait taper trois coups secs, puis attendre trente secondes pile. Trente secondes, c'était le temps qu'il fallait à sa grand-mère pour ouvrir la porte de la vielle ferme. Toujours réactive, les sens en alertes, la vielle femme était toujours disposée à recevoir. Sybil ne comptait plus le nombre de fois où elle avait vu son aïeule retenir les facteurs ou démarcheurs pour une tasse de thé ou un verre de lait. Sa grand-mère aimait les gens, elle adorait sentir la vie animer sa vielle maison, au grand dam du grand-père qui était plus calme, plus posé. D'ailleurs, et ce à quelques exceptions près (Aurora) ce dernier détestait qu'on débarque chez lui à l'improviste et Sybil savait qu'il ne manquerait pas de le lui rappeler. Du moins, quand il rentrerait. Car les trente secondes s'étaient écoulées et personne n'avait ouvert. Sans plus attendre, la jeune femme sortit son double des clefs et pénétra dans la demeure qui l'avait en parti vu grandir.

S'il était vrai qu'elle ne portait que moyennement Whedon Hollow dans son cœur, les choses étaient bien plus complexes avec la ferme familiale. Toute son adolescence, elle avait rêvé de partir, courir le routes, vivre la grande vie en somme. Ses nombreuses fugues avaient été symptomatiques de cet état d'esprit. Cette vielle bâtisse, elle l'avait fuit pour la première fois à treize ans. Douze ans plus tard, jamais elle n'aurait cru être aussi heureuse à l'idée d'y remettre les pieds.
Bien sur, elle ne revenait pas par hasard. Avec elle, il s'agissait rarement d'une visite de fortune. A chaque fois qu'elle toquait à la porte de ses grands parents, c'était qu'elle avait besoin de quelque chose. Cette fois ne dérogeait pas à la règle. La veille au soir, c'était avec stupeur qu'elle s'était rendue compte que sa chaudière ne fonctionnait plus. Quoi de plus surprenant pourtant, quand on habitait un taudis comme le sien. Ce n'était pas la première panne qui survenait depuis qu'elle avait emménagé et ce ne serait sûrement pas la dernière. Néanmoins, la jeune femme se contentait de ses quelques mètres carrés, contentait assez réaliste pour savoir à quel point elle était chanceuse d'avoir ce petit deux pièces. Jusqu'à présent, il n'y avait eu aucune réparation dont elle n'était venue à bout et ce, grâce à son grand-père. Le vieil homme, qui avait toujours été quelqu'un de très manuel, n'avait jamais rechigné à donner quelques coups de mains lorsqu'il s'agissait de travaux ménagers. Lorsque le compteur avaient disjoncté ? Il avait été là. Lorsque l'appartement avait été inondé ? Il avait encore été là. Et aujourd'hui, alors que Sybil n'avait plus d'eau chaude, elle espérait bien qu'il serait encore présent pour elle. Ou du moins, qu'il avait dans ses contactes quelqu'un qui pourrait s'en occuper.

« Je dors à la maison ce soir. » Textota-t-elle à sa grand-mère avant de se rappeler que cette dernière ne se servait jamais de son téléphone portable. Tant pis. Elle qui l’exhortait à revenir s'installer à la ferme, elle ne pouvait voir que d'un bon œil cette visite soudaine. Après-tout, n'était-elle pas chez elle également ? Un sourire se dessina sur son visage tandis qu'elle grimpait les escaliers quatre à quatre.
Il était incroyable de voir comment, après toutes ces années, rien n'avait changé. C'était toujours les mêmes photos sur les murs, les dernières ayant été rajoutés lors du mariage d'Aurora. Les mêmes meubles, les mêmes odeurs de lavande et de jasmin. La maison avait beau être rustique, on y trouvait tout le confort moderne. C'était un endroit chaleureux, ou il faisait bon vivre. Et quoi qu'elle en dise, Sybil avait été heureuse entre ces murs.

Glissant dans la salle d'eau du premier étage, « la salle de baim des filles » comme on l'appelait (les grands parents ayant la leur dans leur chambre), la plus jeune des Valentinos commença à faire couler l'eau dans la baignoire.
Un baim et quelques souvenirs plus tard, la jeune femme se décida enfin à sortir de la pièce. Simplement vêtue de ses sous-vêtements, elle ne s'attendait à croiser personne, n'ayant pas entendu le pick-up des grands-parents à l'extérieur. Quelle ne fût donc sa surprise lorsqu'elle se retrouva nez à nez face à cette silhouette inconnue. Son cœur ratant un battement, elle resta immobile quelques secondes, les yeux écarquillés. Une cambrioleuse ?
Très vite, elle sentit le rouge lui monter aux joues, comprenant peu à peu la situation grotesque dans laquelle elle se retrouvait.
« Euh...tu dois être...euh... » Elle était écarlate. Sa grand-mère avait bien du lui dire comment elle s'appelait mais Sybil était incapable de s'en rappeler.
« Je suis Sybil. » Fini-t-elle par dire, essayant de masquer son trouble. Le résultat ne fut que pire. Non seulement elle trouvait sa phrase stupide, mais elle se sentait ridicule, là, fasse à cette quasi inconnue.
Sans un mot de plus, la jeune-femme fila dans son ancienne chambre où, normalement, attendait dans la penderie quelques vêtements propre qu'elle laissait lors de ses escapades. Bon sang, si on ne pouvait même plus se balader en sous-vêtement dans sa propre maison.

Whedon Hollow était différente. Ce n'était plus la même ville qu'à mon arrivée. La nature était étrangement en train de mourir peu à peu. Le peu de gens que j'avais pu croiser ici étaient différents. Il m'arrivait d'écouter aux portes, essayant de ne pas me mêler aux autres. Parfois, les gens parlaient du changement de comportement de leur proche, d'un tatouage qui aurait mystérieusement apparu. Certains disaient pouvoir voir les morts. D'autres parlaient d'un enfant maudit. Il m'arrivait également d'entendre les gens parler de sorcellerie, accusant n'importe qui de pratiquer. Je ne savais pas quoi penser de tout cela. Que dire de cette malédiction qui avait touché la ville ? Je ne pouvais pas tout renier. En effet, je voyais la nature mourir. Je pouvais croire aux restes. Il m'arrivait d'y croire. Je me disais pourtant que tout cela n'était que mensonge. Que je ne devais pas faire attention à toutes ces rumeurs. J'aimais cette ville, je ne voulais peut-être pas croire à ces histoires. Même si une petite partie de moi-même se disait qu'il y avait une part de vrai dans tout cela. D'ailleurs en allant dehors ce matin, j'avais remarqué que la nature commencait doucement à mourir ici aussi. Je ne savais pas si c'était comme partout ici ou si c'était juste abîmé, je ne savais pas si ça allait reprendre normalement. Je savais que la ferme n'allait pas être épargnée, j'allais perdre une petite partie de mon travail, que j'avais appris à apprécier. Le plus malheureux dans cette histoire, était que je ne pouvais rien y changer.

Une petite heure de détente en faisant les courses. Détente entre guillemets, puisqu'en effet, je n'étais jamais vraiment rassurée quand je devais quitter la ferme. J'avais pris le nécessaire pour la semaine à venir. J'étais bientôt arrivée devant la maison. La voiture venait de combler l'allée devant la maison. La porte d'entrée était étrangement ouverte. J'étais pourtant persuadée de l'avoir fermée avant de partir. Je regardais alors rapidement le bas de la maison, montant à mi-chemin les escaliers, il n'y avait pas de lumière, pas de bruit. Un simple oubli de ma part ? Étrange puisque je prenais toujours soin de fermer la porte derrière moi. Il était vrai que j'étais pressée en partant tout à l'heure, mais peut-être pas au point d'oublier de fermer. Bref, la maison avait l'air calme. Rien d'anormal à l'horizon. Les sacs de courses commençaient doucement à remplir la table de cuisine. La porte d'entrée, comme à mon habitude, était fermée à clé. Les courses commençaient doucement à se ranger. J'entendais du bruit à l'étage. Au départ, je n'y prêtais pas tellement attention, mais j'avais très vite fait le rapprochement avec la porte d'entrée qui était ouverte à mon arrivée. Sans hésiter, je montais doucement les escaliers, tentant de ne pas les faire grincer. Je ne savais pas qui pouvait être là, je devais rester sur mes gardes. Par habitude, je craignais voir quelqu'un de mon ancienne vie, mon mari, mes parents ... Les bruits provenaient de la salle de bain, celle que j'utilisais chaque matin en me réveillant. Personne ne devait se trouver dans cette salle de bain. J'étais la seule invitée ici. Mon cœur battait de plus en plus fort, moins il y avait de marches devant moi, plus j'avais peur. Peur de savoir qui j'allais trouver. Je n'avais pas eu besoin d'entrer dans la pièce, puisqu'en effet, je venais de me retrouver nez à nez avec une femme que je n'avais jamais vu et qui pourtant m'était familière. Je ne m'attendais pas à tomber sur une personne dans cette tenue, en effet, elle était en sous-vêtements. J'avais l'impression d'être autant gênée qu'elle, pourtant, j'étais la plus habillée des deux. Elle commençait à rougir et moi à sourire bêtement pour cacher ma gêne. Je ne savais pas qui était cette femme, devais-je me méfier d'elle ? Elle commençait à prendre la parole sans succès. Elle avait l'air tellement mal à l'aise que parler devait être difficile. Sybil. Exactement, c'était la deuxième fille Valentino. Si son visage m'était tellement familier, c'était parce que j'avais vu mille et une fois son visage sur les photos de famille qui recouvraient les murs et les albums photos de la maison. « Enchantée Sybil, moi, c'est Jaelyn. » Je n'en disais pas plus sur moi. Je ne savais pas si ses grands-parents lui avaient déjà parlé de moi, je ne savais pas non plus si sa sœur s'était déjà plainte de moi auprès de Sybil. Je ne prenais pas le temps de me présenter davantage, ce n'était peut-être pas le moment. « En tout cas, je peux dire que c'est une rencontre assez étrange. » J'étais là depuis plusieurs mois, une demi-année environ, pourtant, je n'avais jamais croisé Sybil. D'après ses grands-parents, elle n'était pas du genre à rester en place. Je ne savais pas encore vraiment pourquoi je ne l'avais encore jamais croisée, mais cela ne me regardait pas, elle était libre. La jeune était rapidement partie dans son ancienne chambre, très certainement pour enfiler quelque chose. Elle était, en effet, partie sans rien dire, mais elle n'allait pas rester en sous-vêtements pour plusieurs heures, surtout que c'était une situation plutôt très gênante pour nous deux. « Si vous me cherchez, je retourne à la cuisine, pour ranger les quelques courses qui sont encore dans les sacs. » Je préférais la prévenir au cas où. Je redescendais alors rapidement, mais toujours dans le calme. Commençant par ranger ce qui devait être au frais.

Akward moment

Sybil aurait voulu se cogner la tête contre son armoire. Au lieu de ça, elle enfila à la hâte une robe un peu défraîchie qui traînait dans sa penderie depuis ses années lycée. Toute simple, toute noire, de quoi lui redonner un semblant de dignité. La jeune-femme avait cru qu'enfiler quelque chose lui permettrait de se sentir mieux. Mais au contraire, elle ne cessait de se repasser les images encore et encore. Le temps d'un instant, l'italienne pensa même à s'enfuir, filer rapidement à l'anglaise en passant par la fenêtre. Juste en face de celle-ci, était planté un grand chêne qui fort souvent, avait fait office d'échelle. Ce ne serait pas la première fois qu'elle ferait le mur de cette manière. Un petit sourire se dessina alors sur ses lèvres lorsqu'elle repensa à l'ado qu'elle avait été. Deux trois claques auraient été bien mérités. Mais elle avait grandit. Elle espérait...elle essayait du moins. Si ce genre de réaction étaient déjà inappropriées à quinze ans, elles l'étaient encore plus à vingt-cinq ans. Jaelyn (c'était bien ça son nom) l'avait vu en sous-vêtement en sortant de la douche. Soit. Des tas de gens l'avaient vu moins habillés que ça pour des raisons moins honorable. Elle n'allait pas en faire tout un foin...
Poussant un soupir, la jeune-femme se décida a fermer la fenêtre. Si elle devait quitter cette maison ce serait par la porte d'entrée (et en la claquant comme souvent ces derniers temps). S'approchant de la vitre, son regard fut néanmoins attiré par l'arbre qui la bordait. Six mois auparavant, il lui avait semblé majestueux et verdoyant, comme il l'avait toujours été. Mais tandis que les yeux de la médium se posait à nouveau sur lui, il lui semblait comparable à une vielle souche qu'on aurait laissé là, à l'abandon. L'automne n'y était pour rien. Tout autour de la ferme, la nature commençait à décliné...Un frisson parcouru alors l'échine de Sybil. Rapidement, elle referma les volets, fuyant ainsi cette vision funeste. Elle avait un mauvais pressentiment quant à l'avenir.

Plongée dans ses réflexions, ce fut un bruit en provenance du rez-de-chaussé qui la ramena à la réalité. Ah oui, elle ne pouvait pas rester caché toute la soirée...Poussa un soupir, Sybil se décida à aller affronter la fameuse Jaelyn.
Descendant lentement les escaliers, elle observait l'inconnue. Grande, plutôt jolie, elles devaient avoir à peu près le même âge. Elle était plus jeune qu'Aurora en tout cas, elle pouvait le parier. Sa grand-mère lui avait dit qu'elle venait de France et...d'autres choses également dont la médium ne se rappelait plus. A vrai dire, la présence de l'étrangère ne l'avait jamais inquiété ou même intéressé. Elle avait cru à une voyageuse ou une fugueuse qui resterait quelques semaines puis repartirait. Pour Sybil, il était inconcevable que quelqu'un de saint d'esprit et n'étant rattaché d'aucune manière à cette ville, ne s'y installe de son plein gré. Mais quand elle y repensait, ça allait faire au moins six mois depuis que sa grand-mère lui avait parlé d'elle pour la première fois.

« Salut... » Lâcha alors Sybil avec un petit sourire gêné, tandis qu'elle se frottait le bras. Elle se sentait un peu moins mal à l'aise, quoi que toujours aussi ridicule.
« Désolée pour tout à l'heure, je pensais que j'étais seule. Non que je me ballade souvent en sous-vêtement dans la maison. Enfin si, mais..euh...tu veux un coup de main ? » Demanda-t-elle en voyant la jeune fille décharger les courses.

La première rencontre avec Sybil était originale. Ce n'était pas tous les jours que l'on rencontrait des gens pour la première fois en sous-vêtements, alors que cette personne n'était même pas chez elle. Surtout qu'elle devait bien se douter que quelqu'un allait bien finir par rentrer et surtout pourquoi n'avait-elle rien enfilé avant de sortir de la salle de bains, étant certaine qu'il y avait quelqu'un dans la maison. Enfin, la jeune femme était très vite repartie dans son ancienne chambre, très certainement pour enfiler quelque chose de plus habillé, puisqu'en effet, c'était gênant pour toutes les deux. En attendant la jeune femme, j'étais redescendu ranger les courses. Quand une voix ressemblant à celle de Sybil, venait de me faire retourner. « Hey. Il n'y a pas de problème, même si je dois t'avouer qu'une première rencontre en sous-vêtements, ça ne m'était jamais arrivé. Et pour les courses, ça va aller, j'ai presque terminé, merci quand même. » Effectivement, il ne me restait que peu de choses à ranger, son aide pour le coup n'allait pas vraiment être très utile. J'avais eu le temps de ranger pas mal de courses, pendant que Sybil était dans sa chambre. Puisqu'en effet la jeune femme avait été assez longue dans sa chambre. Pour je ne sais quelle raison, avait-elle beaucoup trop honte pour pouvoir ressortir rapidement de sa chambre ? Où avait-elle trouvait quelque chose lui rappelant un moment, quelque chose de précis concernant son enfance ? Le temps de trouver ce qu'elle allait bien pouvoir mettre ? Je n'allais pas être fixée de toute façon, car je ne comptais pas lui demander. « Tes grands-parents savaient que tu devais venir ? » Simple question histoire de parler un peu. Moi, en tout cas, je n'étais pas au courant de sa venue, mais bon, au moins, pour la première fois, je rencontrais la fameuse Sybil Valentino. Celle qui apparaît souvent dans les histoires de familles, celle que je voyais souvent sur les milliers de photos accrocher sur murs de cette vieille maison. Je ne l'avais jamais vu depuis mon arrivée ici, mais je m'étais jamais très étonnée de ne pas la voir. Je savais comment elle était, sans jamais lui avoir parlé. Nous étions encore toutes les deux dans la cuisine, les courses étant maintenant rangeaient, nous allions pouvoir changer de pièce. Avant d'aller au salon, je prenais deux verres, puis le jus de fruit qui était posé sur la table. Sans même demander si la boisson convenait, je m'étais dirigée au salon, lui faisant signe de me rejoindre. Avant même que Sybil ne soit sortie, j'éteignais la lumière de cuisine, avant d'allumer celle du salon. Un minimum de lumière. Je déposais les deux verres sur la table basse avant de les remplir, de m'emparer du mien et de m'enfouir dans le fond du canapé, prête à découvrir, moi-même, comment était Sybil. Était-elle vraiment si différente que sa sœur ? Était-elle si curieuse que sa sœur ? Allais-je subir un interrogatoire avec elle aussi, même si apparemment ce n'était pas vraiment son genre ? ...

(Désolée d'avoir été longue à répondre Akward moment - Jaelyn 820339325

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